University of Minnesota



Constitutional Rights Project, Civil Liberties Organisation et Media Rights Agenda c. Nigeria, Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, Communication 140/94, 141/94, et 145/95, 26ème Session Ordinaire, Kigali, 15 novembre, 1999.



140/94, 141/94 et 145/95 Constitutional Rights Project, Civil Liberties Organisation et Media Rights Agenda c/ Nigeria

Rapporteur:

17ème session: Commissaire Badawi
18ème session: Commissaire Umozurike
19ème session: Commissaire Umozurike
20ème session: Commissaire Dankwa
21ème session: Commissaire Dankwa
22ème session: Commissaire Dankwa
23ème session : Commissaire Dankwa
24ème session : Commissaire Dankwa
25ème session : Commissaire Dankwa
26ème session : Commissaire Dankwa
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Résumé des faits :

1. La communication 140/94 allègue que les décrets promulgués en 1994 par le gouvernement militaire du Nigeria ont interdit la publication et la circulation sur toute l’étendue du territoire des journaux ‘The Guardian’’, ‘Punch’ et ‘Concord’. Ces décrets sont intitulés: ‘Concord Newspapers and African Concord Weekly Magazine (Proscription and Prohibition from Circulation)
Decree no. 6’, ‘the Punch Newspapers (Proscription and Prohibition from Circulation) Decree no. 7’ et the Guardian newspaper and African Guardian Weekly Magazine (Proscription and Prohibition from Circulation) Decree no. 8’ et datent tous de 1994. Auparavant, le gouvernement militaire avait mis fin aux publications des "the Guardian" et "the Concord" dont les
immeubles sont encore occupés et scellés par des forces de sécurité et de police, malgré les ordres du tribunal allant dans le sens contraire.

2. De plus, le gouvernement militaire a fait arrêter et détenir six militants pour la démocratie, ‘Chief’ Enahoro, Prince Adeniji-Adele, ‘Chief’ Kokori, ‘Chief’ Abiola, ‘Chief’ Adebayo et M. Eno. Au moment de l’introduction de la communication, les susnommés demeuraient en détention et aucune accusation n'était encore portée contre eux. La communication met l’accent
sur la détérioration de leur état de santé et souligne que Chief Abiola était accusé de trahison pour s’être auto proclamé vainqueur des élections présidentielles annulées par le gouvernement militaire. La santé des détenus se détériorait en prison.

3. Selon le requérant, le gouvernement militaire a envoyé des bandes armées aux domiciles respectifs de cinq responsables du mouvement pour la démocratie Chief Ajayi, Chief Osoba, M. Nwanko, Chief Fawehinmi et Commodore Suleiman. Ces bandes ont fait irruption dans les maisons, détruisant les biens et attaquant leurs victimes.

4. La communication 141/94 allègue que le gouvernement fédéral du Nigeria a, par décrets nos.6, 7 et 8 de 1994, privé le peuple nigérian du droit de recevoir des informations, d'exprimer et de diffuser librement ses opinions. Elle soutient également que par ces décrets, le gouvernement a violé les droits des propriétaires des sociétés d’édition.

5. Les décrets 6, 7 et 8 de 1994 dénoncés sont ceux contenus dans la première communication. Ils émasculent les tribunaux de l’ordre judiciaire en leur retirant tout pouvoir juridictionnel ; aucune action judiciaire ne peut par conséquent être intentée contre tout préjudice causé du fait de ces décrets.

6. La communication 145/95 élabore davantage les faits cités plus haut. Elle allègue que le samedi 11 juin aux environs de 3 heures du matin, des agents de sécurité armés ont pris d’assaut les bâtiments de “Concord Press Nigeria Limited” et ‘d’African Concord Limited”, éditeurs entre autres de l’hebdomadaire “African Concord” et des journaux “Week-end Concord” et
“Sunday Concord”, ainsi que d’un autre hebdomadaire communautaire publié dans chaque Etat de la Fédération, “Community Concord”.

7. Ces agents ont arrêté le travail en cours sur diverses publications, chassé les travailleurs et apposé des scellés sur les bâtiments. Le même jour, pratiquement au même moment, des incidents similaires se sont produits dans les locaux de “Punch, Nigeria Limited”, éditeurs des journaux “The Punch”, “Sunday Punch” et “Toplife”. des scellés ont été apposées sur les
bâtiments tandis que l’éditeur, M. Bola Bolawole était gardé en détention plusieurs jours durant.

8. Le 15 août 1994 vers 12h30, “Rutam House”, bâtiment appartenant au “Guardian Newspaper Limited” et au “Guardian Magazine Limited” et où sont publiés les journaux et les magazines “The Guardian”, “The Guardian on Sunday”, “the African Guardian”, “Guardian Express”, “Lagos Life” et “Financial Guardian”, ont été pris d’assaut par au moins 150 policiers armés.

9. Les policiers ont ordonné que la production du numéro du lundi de “The Guardian”, qui était en cours, soit arrêtée. Ils ont renvoyé les travailleurs et apposé les scellés sur les bâtiments. Plus tard dans la journée, 15 journalistes du groupe “The Guardian” ont été arrêtés et détenus pour une courte durée avant d’être libérés sous caution. Les agents de sécurité étaient encore au moment de l’introduction de la communication, à la recherche des responsables de la rédaction de ces journaux.

10. Par l’intermédiaire de leur conseiller juridique, Me Gani Fawehinmi, des procédures judiciaires ont été initiées par tous les éditeurs devant deux “Federal High Courts” de Lagos contre cette action du gouvernement et contre l’interdiction de publication frappant leurs journaux. Ils ont dénoncé l’occupation des bâtiments comme étant une violation du droit à la liberté d’expression garanti par la section 36 de la Constitution nigériane de 1979, et par l’article 9 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples dont le texte a été incorporé dans la législation du pays.

11. Les deux tribunaux se sont prononcés en faveur des plaignants, après avoir examiné les éléments de preuve et les dépositions aussi bien du gouvernement que des éditeurs. Les tribunaux ont ordonné un dédommagement financier en faveur des éditeurs et ont demandé aux agents de sécurité de libérer les locaux. Ce que ces derniers ont fait pendant une brève période, mais sont revenus quelques semaines plus tard. Le dédommagement quant à lui n’a jamais été payé.

12. Alors que les procès étaient en cours, le 5 septembre 1994, le gouvernement a promulgué trois décrets nos. 6, 7, et 8 respectivement interdisant la parution de plus de 13 journaux appartenant à trois maisons d’édition, ainsi que leur circulation au Nigeria pendant une période de six mois avec possibilité de prorogation.

13. Dans sa présentation orale, le représentant des requérants a mis l'accent sur le fait que les bouts de phrases "antérieurement prévu par la loi" et "dans le cadre de la loi" contenus respectivement dans les articles 6 et 9.2 ne devraient pas être interprétées par le gouvernement comme étant une condition dérogatoire à ses obligations internationales lui permettant promulguer des lois fantaisistes.

14. Le représentant du Nigeria a répondu oralement que tous les décrets promulgués étaient nécessaires étant donné les "circonstances particulières" qui ont amené le gouvernement en place au pouvoir. Il a soutenu que la plupart des détenus avaient déjà été libérés et que les journaux sont autorisés à circuler. Le gouvernement affirme qu'il a dérogé aux dispositions constitutionnelles du Nigeria en raison des conditions particulières et que cela était justifié par le besoin de sauvegarde de la moralité publique, de la sécurité et de l'intérêt supérieur de la nation. En ce qui concerne particulièrement l'article 9, le gouvernement a soutenu que la clause "dans le cadre de la loi" doit être comprise dans le contexte de la loi actuellement en
vigueur au Nigeria, et non dans celui de la constitution ou de toute autre norme internationale.

Dispositions de la Charte dont la violation est alléguée :

15. Les requérants allèguent la violation, par le gouvernement des articles 5, 6, 7, 9, 14 et 26 de la Charte Africaine.

La procédure :

16. La communication 140/94, date du 7 septembre 1994 et est a été soumise par Constitutional Rights Project, le Secrétariat en accusé réception le 23 janvier 1995.

17. A la 16ème session, la Commission a décidé d'être saisie de la communication et d'en notifier le gouvernement. La Commission a également décidé d'inviter le gouvernement à veiller à ce que la santé des victimes ne soit pas mise en danger, en invoquant les dispositions de l'article 109 de son Règlement intérieur.

18. A la 17ème session tenue en mars 1995 à Lomé, Togo, la communication a été déclarée recevable. Il n'y a pas eu de réponse de la part du gouvernement du nigérian.

19. La communication 141/94, date du 19 octobre 1994 et a été soumise par Civil Liberties Organisation. Elle a été reçue au Secrétariat le 24 octobre 1994.

20. A la 16ème session tenue en octobre 1994, la Commission a décidé d'être saisie de la communication et d'en notifier le gouvernement du Nigeria. A partir de cette date, la procédure relative à cette communication a été assimilée à celle suivie dans la communication 140/94.

21. La communication 145/95 a été présentée par Media Rights Agenda le 7 septembre 1994.

22. A la 18ème session, il a été décidé que la communication devait faire partie des dossiers qui seraient discutés lors de la mission qui devait se rendre au Nigeria.

23. La Commission a décidé d'envoyer une mission au Nigeria du 7 au 14 mars 1997, et ces communications ont été débattues au cours de la mission. Le rapport de mission a été adopté par la Commission.

24. Les parties ont été régulièrement tenues informées de toute la procédure.

LE DROIT

La Recevabilité:

25. L'article 56(5) de la Charte Africaine prévoit que:

" Les communications...doivent nécessairement, pour être examinées, remplir les conditions ci-après:
...

5. Etre postérieures à l'épuisement des recours internes s'ils existent, à moins qu'il ne soit manifeste à la Commission que la procédure de ces recours se prolonge d'une façon anormale..."

26. Celle-ci est juste l'une des sept conditions prévues par l'article 56, mais c'est elle qui le plus souvent requiert plus d'attention. Comme l'article 56 est nécessairement le premier que doit examiner la Commission avant tout examen du fond d'une ommunication, il a déjà fait l'objet d'une interprétation substantielle. Dans la jurisprudence de la Commission Africaine, il y a beaucoup de précédents importants.

27. Plus particulièrement, dans les quatre décisions que la Commission a déjà prises concernant le Nigeria, l'article 56.5 est examiné dans le contexte nigérian. La communication 60/91 (Décision ACHPR 160/91) concernant le Tribunal pour vols et armes à feu; la communication 87/93 (Décision ACHPR/87/93) concernant le Tribunal pour la perturbation de l'ordre public; la communication 101/93 (Décision ACHPR/101/930 sur le décret régissant les praticiens du droit; et la communication 129/94 (ACHPR/129/94) concernant le décret relatif à la Constitution (modification et suspension) et le décret relatif aux partis politiques (dissolution).

28.Tous ces décrets dont il est question dans ces communications contiennent des clauses dérogatoires. Dans le cas des tribunaux spéciaux, ces clauses interdisent aux tribunaux ordinaires d'examiner tout appel interjeté contre des décisions prises par les tribunaux spéciaux. (ACHPR/60/91:23 et ACHPR/87/93:22). Le décret régissant les praticiens du droit précise qu'il ne peut être contesté devant aucun tribunal et que quiconque tente de le faire commet une infraction (ACHPR/101/93:14-15). Le décret relatif à la suspension et modification de la Constitution en interdit toute contestation devant les tribunaux nigérians
(ACHPR/129/94:14-15).

29. Dans tous ces cas précités, la Commission a conclu que ces clauses dérogatoires rendaient les recours internes inexistants, inefficaces ou illégaux. Les clauses dérogatoires créent une situation juridique où le judiciaire ne peut exercer aucun contrôle sur la branche exécutive du gouvernement. Un certain nombre de tribunaux du district de Lagos, s’appuyant sur le droit coutumier, ont conclu que les tribunaux sont compétents pour examiner certains de ces décrets en dépit des clauses dérogatoires, lorsque ces décrets sont “de nature offensante et tout à fait irrationnels”.

30. Avant que ce décret ne soit promulgué, les éditeurs affectés avaient porté plainte; deux d'entre eux avaient déjà eu gain de cause avec dommages-intérêts, et les agents de sécurité avaient été ordonnés de quitter les lieux, mais aucune de ces directives n'avaient été respectée.

31. Etant donné l'indifférence affichée par le gouvernement face aux jugements de ses tribunaux et la nullité légale apparente de toute contestation d'un acte de gouvernement posé dans le cadre de ces décrets, la Commission réitère sa décision prise dans la
communication 129/93 qu'il est raisonnable de présumer non seulement que la procédure des voies de recours internes serait prolongée, mais qu'elle n'aboutirait à aucun résultat" (ACHPR 129/94:8). En fait, aucun recours interne n'est disponible.
Par ces motifs, et conformément à ses décisions antérieures, la Commission a déclaré les communications recevables.

Le Fond:

32. L'article 7.1(a) prévoit que:

" Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend: (a) le droit de saisir les juridictions nationales compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux..."

33. Voir un procès en bonne et due forme en cours devant les tribunaux, annulé par un décret du pouvoir exécutif ferme toutes les possibilités de saisir les organes nationaux compétents. Une affaire en cours devant le tribunal constitue en soi une sorte de garantie par laquelle les parties espèrent une conclusion éventuelle en leur faveur. Le risque de perdre le procès est un fait accepté par toute partie, mais le risque de voir le procès annulé décourage sérieusement les plaignants, avec de graves conséquences pour la protection des droits des individus. Les citoyens qui ne peuvent pas recourir aux tribunaux de leur pays sont très vulnérables aux violations de leurs droits. L'annulation du procès en cours constitue donc une violation de l'article 7.1(a).

34. La communication 141/94 allègue que le gouvernement fédéral du Nigeria a, par décrets nos.6, 7 et 8 de 1994, privé le peuple nigérian du droit de recevoir des informations, d'exprimer et de diffuser librement ses opinions.

35. L'article 9 de la Charte stipule ce qui suit:

“1.Toute personne a droit à l’information.

2. Toute personne a le droit d’exprimer et de diffuser ses opinions dans le cadre des lois et règlements.”

36. La liberté d’expression est un droit fondamental et vital pour l’épanouissement de la personne et de sa conscience politique, ainsi que pour sa participation à la direction des affaires politiques de son pays. Aux termes de la Charte Africaine, ce droit comprend le droit de recevoir des informations et celui d’exprimer ses opinions.

37. Interdire des journaux spécifiques et faire mettre des scellés sur leurs bâtiments sans donner la chance à leurs responsables de se défendre et sans qu’ils ne soient inculpés au préalable soit publiquement, soit devant une instance judiciaire, revient à un harcèlement de la presse, ce qui entrave sérieusement la libre circulation de l’information. La peur de la saisie des immeubles pourrait inciter d’autres journalistes qui ne sont pas encore affectés à l'autocensure afin de pouvoir continuer de travailler.

38. De tels décrets constituent une grave menace du droit du public à recevoir des informations, non pas conformément à ce que le gouvernement voudrait qu'il reçoive. Le droit de recevoir des informations est absolu: l'article 9 ne prévoit aucune dérogation, quel que soit le sujet des informations ou opinions et quelle que soit la situation politique du pays. Par conséquent, la Commission considère que l'interdiction des journaux est une violation de l'article 9.1.

39. Le plaignant allègue que l’article 9.2 doit être interprété comme se référant à une “loi existant déjà”. Le gouvernement allègue que les décrets étaient justifiés par des circonstances spéciales. Le plaignant invoque le caractère constant des obligations
internationales.

40. Selon l'article 9.2 de la Charte, la diffusion des opinions peut être limitée par la loi. Cela ne signifie pas que la législation nationale peut ignorer le droit d'exprimer et de diffuser ses opinions, cela rendrait inefficace la protection du droit d'exprimer ses opinions. Permettre aux lois nationales d'avoir la préséance sur le droit international rendrait inopportune la codification de certains droits dans les traités internationaux. Les normes internationales des droits de l'homme doivent toujours avoir la préséance sur les lois nationales qui les contredisent.

41. Contrairement aux autres instruments internationaux des droits de l'homme, la Charte Africaine ne contient pas de clause dérogatoire. Par conséquent, les restrictions des droits et des libertés contenus dans la Charte ne peuvent être justifiées par les situations d'urgence ou les circonstances particulières. Les seules raisons légitimes de limitation des droits et des libertés contenus dans la Charte sont stipulées à l'article 27.2, à savoir que les droits ..."s'exercent dans le respect du droit d'autrui, de la sécurité collective, de la morale et de l'intérêt commun".

42. Les raisons de limitation possibles doivent se fonder sur un intérêt public légitime et les inconvénients de la limitation doivent être strictement proportionnels et absolument nécessaires pour les avantages à obtenir. Ce qui est plus important, une limitation ne doit jamais entraîner comme conséquence le fait de rendre le droit lui-même illusoire.

43. Le gouvernement n’a apporté aucune preuve que l’interdiction de ces magazines était dictée par une des raisons prévues par l'article 27.2. Il n'a pas pu prouver qu'il s'agissait d'une raison autre que la simple critique du gouvernement. Si un responsable d’un journal s’est rendu coupable de diffamation, par exemple, il aurait dû être individuellement traduit en justice et être appelé à se défendre. Il n’y avait non plus aucune information indiquant une menace quelconque contre la sécurité nationale ou l’ordre public.

44. Le fait qu'un gouvernement interdise nommément une publication spécifique est si disproportionné et inattendu. Des lois faites pour être appliquées spécifiquement à un individu ou une personne morale présentent le grand danger de discrimination et d'absence de traitement égal devant la loi, tel que garanti par l'article 3. L'interdiction de ces publications ne peut donc pas être conforme à la loi et constitue donc une violation de l'article 9.2.

45. La communication 140/94 allègue que le gouvernement a envoyé des bandes armées pour attaquer des militants des droits de l'homme et détruire leurs maisons. Le gouvernement n'a pas suffisamment répondu à cette allégation.

46. L'article 5 de la Charte dispose que :

" Tout individu a droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique. Toutes formes de d'exploitation et d'avilissement de l'homme notamment…..la torture physique ou morale, et les peines ou les traitements cruels, inhumains ou dégradants sont interdits".

47. Dans plusieurs de ses décisions antérieures, la Commission Africaine a établi le principe que lorsque les allégations d'abus des droits de l'homme ne sont pas contestées par le gouvernement visé, même après multiples notifications, la Commission doit statuer sur base des faits présentés par le plaignant et les traiter comme tels (Voir décisions sur les communications 59/91, 60/91, 64/91,87/93 et 101/93). Ce principe est conforme à la pratique des autres organes internationaux des droits de l'homme et à l'obligation de la Commission de protéger les droits de l'homme telle que stipulée par la Charte.

48. Par conséquent, considérant les accusations alléguées telles qu'elles sont, la Commission conclue qu'il y a eu une violation de l'article 5.

49. La détention sans inculpation de six militants des droits de l'homme tel qu'allégué dans la communication 140/94 et la détention de M. Bola Bolawole et de 15 journalistes du groupe de "The Guardian" tel qu'allégué dans la communication 145/95 n'ont pas été réfutées par le gouvernement.

50. L’article 6 de la Charte se lit comme suit:

“Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne....en particulier nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement.”

51. Détenir des personnes sur la base de leurs croyances politiques, en particulier lorsqu’aucun chef d’accusation n’a été porté contre elles, rend arbitraire la privation de leur liberté. Le gouvernement maintient qu’actuellement personne n’est détenu sans inculpation. La Commission peut tenir cette affirmation pour vraie, mais ne peut excuser les détentions spécifiques alléguées dans les communications. La Commission constate donc qu’il y a eu violation de l’article 6.

52. Les requérants soutiennent que par ces décrets, le gouvernement a violé les droits des propriétaires des sociétés d’édition.

53. L'article 14 de la Charte prévoit que:

" Le droit à la propriété est garanti. Il ne peut y être porté atteinte que par nécessité publique ou dans l'intérêt général de la collectivité, et ce, conformément aux dispositions des lois appropriées".

54. Le gouvernement n'a fourni aucune explication sur la saisie des locaux de beaucoup d'agences de presse, mais il l'a maintenu en violation des décisions directes des tribunaux. Les victimes n'avaient pas été préalablement accusées ou inculpées de quelque infraction que ce soit. Le droit à la propriété comprend nécessairement le droit de ne pas se faire enlever cette propriété. Les décrets qui permettaient que des scellés soient mis sur les locaux des maisons de presse et de saisir les publications ne peuvent pas être considérés comme "opportuns" ou dans l'intérêt du public ou de la communauté en général. La Commission considère qu'il y a eu violation de l'article 14.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION :

Déclare qu'il y a eu une violation des articles 5, 6, 7.1(a), 9.1, 9.2, et 14 de la Charte Africaine;

Recommande instamment au gouvernement de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de se conformer aux obligations du Nigeria découlant de la Charte.

 



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